DENIS Maurice - La vasque de la Villa Médicis, vers 1898

Granville, 1870 ; Paris, 1943

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© RMN-Grand Palais (MUDO - Musée de l'Oise) / Hervé Lewandowski - Utilisation des photographies soumise à autorisation

Peinture à l'huile sur carton marouflé sur contreplaqué. Cadre mouluré doré, avec protection en verre.

H. 27 cm ; L. 46,5 cm ; Ep. 1,2 cm ; Pds 2,4 Kg (supports + cadre)

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85.7

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Oeuvres en rapport du même artiste sur le même sujet conservées également au MUDO-Musée de l'Oise : « La vasque de la Villa Médicis », 1904 (Inv. 91.42) ; « La vasque de la Villa Médicis », 1928 (Inv. 87.19) ; « La vasque de la Villa Médicis », avant 1928 (dessin Inv. 91.34. Les carnets de ventes de l'artiste indiquent que ce tableau a été acheté en septembre 1903 par le Comte Kessler, célèbre amateur allemand, il est donc vraisemblable que cette vasque ne peut avoir été réalisée que pendant ou à la suite du premier voyage de Maurice Denis à Rome en 1898 et avant 1903 (date de l'acquisition). Acquis auprès du fils de l'artiste, Dominique, en novembre 1985, qui l'avait acheté en vente publique à Versailles le 2 décembre 1984.

Cette vasque peinte par Maurice Denis n'est pas datée, mais les spécialistes de l'artiste s'accordent à penser qu'elle a été peinte en 1898, lors du premier séjour de l'artiste en Italie, durant lequel il visite Rome juste après Florence. En effet, les carnets de vente de Denis spécifient que notre tableau a été acheté par le comte Kessler en 1903. Cette information est relayée par la correspondance du collectionneur dans une lettre du 6 septembre de la même année (destinataire inconnu) : « […] vue de Rome (une vasque sous les arbres sombres, devant la villa Médicis, avec la ville, blanche, au loin) » (cité dans Carina Schäfer, « Maurice Denis et le comte Kessler (1902-1913) », Francfort, Peter Lang Verlag, 1997, p. 242). Denis n'ayant pas fait d'autre voyage à Rome avant février 1904, il est presque indiscutable que cette vasque ait été peinte à Rome en 1898 ou, à tout le moins, peu après son retour de ce séjour. - Cette année 1898, marquée par ce voyage à Rome en janvier en compagnie d'André Gide, constitue un tournant tant dans la vision esthétique que dans la manière de l'artiste. Il initie ce que les théoriciens appellent le nouveau classicisme (1898-1918). Denis, Gide et Vuillard (resté à Paris et tenant du symbolisme dont Denis est alors un représentant) tiennent pendant ce séjour un dialogue et une correspondance à trois. Ils débouchent sur une remise en cause des fondements du symbolisme nabi (transcription de la sensation, de l'émotion personnelle) pour promouvoir la soumission du détail à la beauté de l'ensemble, la grandeur par la concision. C'est particulièrement l'exemple de Raphaël que souhaite suivre Denis. De ces discussions naît un article écrit à la fin de l'année, « Les arts à Rome ou la méthode classique ». Maurice Denis le décrit comme « une méthode pour échapper à l'empirisme et à l'impressionnisme et concentrer sur un nombre de motifs restreints les efforts et les sensations quotidiennes. » Si cet article théorise la nouvelle pensée esthétique du peintre, la Vasque de 1898 en est le manifeste pictural. - En effet, ce motif est devenu un poncif des spécialistes du paysage : peinte et dessinée par de nombreux artistes étudiant à l'Académie de France dès la fin du XVIIIe siècle (Pierre-Henri de Valenciennes, par exemple), immortalisée par Corot qui la représenta à cinq reprises. En choisissant ce panorama, Denis se place dans la lignée de ces artistes, et plus particulièrement dans celle de Corot, dont il reprend le cadrage du premier plan. Centrée, sa composition est strictement symétrique. Autour de la vasque frontale, vue comme le bassin en légère plongée, les deux arbres enserrent de leurs troncs et de leurs feuillages sombres le paysage urbain en plein soleil. La taille en plein cintre de la frondaison répond à la rotondité de la conque. Si l'utilisation de la couleur et de la lumière doit encore au postimpressionnisme, notamment dans la fragmentation de la touche dans l'eau du bassin, le vif éclairage de l'arrière-plan donne à la Ville éternelle un éclat qui modèle les architectures. Élément remarquable, la coupole de San Carlo al Corso en émerge en se découpant dans le ciel bleu limpide. - Comme elle le fut pour Corot, cette vasque et la vue depuis le Pincio revêtent une importance particulière pour Denis : il la peindra à huit reprises au cours de sa carrière. C'est ainsi qu'ils deviennent, en quelque sorte, la cause et l'objet du tournant classique de l'artiste en 1898. Dans « Les arts à Rome ou la méthode classique », Denis exalte encore le pouvoir de ce site emblématique : « […] auprès de cette admirable vasque toujours environnée d'une ombre adoucie, la fontaine de Corot ! devant la villa Médicis, – ah ! confronter là nos théories impressionnistes et les méthodes classiques, quelle exaltation ».